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Sixto Rodriguez, itinéraire d’un Jésus du folk rock

Grosse rentrée chez StayAwake ! Après Simon et son article sur Kubo et l’armure magique, c’est à mon tour d’être envoyé nu en place publique. Comme mon homologue, je m’appelle Simon, et je suis en dernière année de communication visuelle. Je partage également de l’intérêt pour tout ce qui touche aux années 60-70 (vous savez l’époque de ces drôles de lampes à lave, aux bulles colorées qui montent et qui descendent), la littérature et la musique. C’est sur ce dernier domaine que je vous livrerai chaque semaine assez de contenu pour vous refaire votre semaine (ou au moins jusqu’à jeudi).

 

Je sais, je sais. En ce moment, il fait froid, et notre seule envie se résume à rester planqué dans sa chambre, le nez sous un mètre quarante-cinq d’édredon (je ne sais même pas si ce genre de trucs existe encore). C’est aussi l’occasion de ressortir de ses manches des musiques plus calmes, plus lancinantes, de quoi vous englober pour le reste de la journée. Bref, de quoi prolonger l’effet léthargique d’une couette une fois dans les transports en commun. Sixto Rodriguez est un peu de cette trempe. Silhouette de fantôme apache, voix nasillarde à la Bob Dylan, guitare sous le bras et deux bons albums dans ses bagages. Une musique tirée du plus profond de ses tripes, et dont l’histoire assez coriace de sa vie en a fait le genre de prototype humain qui force le respect. D’ailleurs, peut-être que son histoire ne vous est pas étrangère. Peut-être même avez-vous déjà vu le film documentaire, brodé au fil d’or, « Searching for Sugar Man » de Malik Bendjelloul ?

Déboire dans les bars !

Sixto Diaz Rodriguez, est né à Détroit, Michigan, en 1942. Né d’une famille mexicaine de la classe moyenne, il est initié au blues* auprès de son père, avant de quitter l’école à 16 ans. S’inspirant des chanteurs de musique folk** tels que Richies Havens, Donovan ou Bob Dylan; il fait ses gammes dans les bars de Détroit, reprenant les chansons des Rolling Stones, des Beatles ou encore Ray Charles. Signé chez Sussex Records par Dennis Coffey et Mike Theodore, il y sort en 1969 son premier album « Cold Fact », puis son second, « Coming from reality » en 1971. Tous deux échecs commerciaux aux Etats-Unis, Rodriguez arrête la musique en 1972.

 

Le succès est ailleurs

Si ses chansons ne sont pas reconnues aux Etats-Unis, le titre « Silver Words » rencontre son succès en Jamaïque en 74. Réédité en 1977 par la maison de disque australienne Blue Goose Music, Rodriguez gagne son public en Australie et en Nouvelle-Zélande, dont il fait la tournée en 79. Sa musique prend une toute autre tournure de l’autre côté de l’océan Indien. Dans les années 80, l’album « Cold Fact » devient disque d’or en Afrique du sud. Interdit par le gouvernement de l’Apartheid, l’album est interdit à la vente. Si l’Apartheid est le résultat d’une ségrégation entre blanc et noir, dictée par la main mise d’une élite blanche, la musique de Rodriguez trouve un écho et un espoir parmi la jeunesse des classes moyennes blanches; et son album circule comme copie illégale, sous forme de vinyles et cassettes audio. « The anti establishement blues » devient un hymne à l’opposition contre l’Apartheid, et l’album« At is best » devient en 1980, disque de platine.

 

Résurrection et passage à la postérité

Inconnu jusqu’alors, son anonymat est la source de nombreuses rumeurs. Considéré comme mort, immolé par le feu, l’émergence d’internet permet à Stephen "Sugar" Segerman et Brian Currin, passionnés de la musique du Sugar man, de retrouver Rodriguez à Détroit. S’en suivra six concerts retour en Afrique du sud, qui se joueront à guichet fermé, et une notoriété retrouvée. La popularité de Rodriguez ne s’arrête pas là, et la diffusion massive d’internet lui permet de dépasser les frontières de la folk. Samplé en 2010 par le DJ David Holmes, on le retrouve également sur le morceau « You’re da man » de Nas, « The Man » de Large Professor ou encore « Hate street dialogue » de The Avener en 2015. 

 La légende de Rodriguez est largement tissée par Bendjellaul, laissant transparaitre le fameux mythe du héros coincé entre calvaire et résurrection. Soucis narratifs ou non, après tout, qui s’en soucis ? Comme dirait l’autre, « pourquoi laisser la vérité gâcher une bonne histoire ? » Il n’en reste pas moins d’excellents albums dont l’expertise de Steve Rowland, producteur de The Cure, et le talent du guitariste Chris Spedding ont su glorifier. Il y a dans les musiques de Rodriguez, cette curieuse contradiction, où la dureté des textes rencontre une sonorité d’une chaleur étonnante. « Rich folks hoax » et « Can’t get away » en sont de bons exemples. Ou au contraire permet de verser dans le mélancolique et le sentimental par l’utilisation de violons (« I think of you ») ou du cuivres (« Crucify your mind »). C’est toute cette gamme d’intonations qui dépeint une vie de labeur, de déboires sexuels, de drogues et de doutes. De quoi passer un hivers au chaud en se disant que les soucis sont ailleurs. Ca, c’est un « cold fact ».

 

En espérant que cet article vous aura donné l’envie d’avoir envie, comme dirait notre Johnny national, de creuser un peu plus la discographie de Rodriguez. La vie d’ma mère, ça en vaut le détour. Cet article étant le premier d’une, je l’espère, longue série, cela nécessite des retours et des commentaires afin d'en améliorer le contenu, de partager vos impressions et pourquoi pas faire connaitre vos nouvelles trouvailles musicales.

En attendant, « See you soon, Space Cowboy » !

 

* musique noire né dans la fin du 20ième dans le sud des Etats-Unis, qui utilise la voix comme instrument principal, et s’accompagne principalement d’instruments rudimentaires (caisse à savon transformé, grattoir…), et évoluera vers une utilisation plus large des instruments (guitare acoustique, piano, harmonica)

**musique populaire s’inspirant principalement de la vie réelle et des conditions difficiles de travail, devenu populaire dans les années 60, notamment grâce à Bob Dylan

 

 

Simon RENIER


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