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Mamoru Hosoda, un Univers à cheval entre modernités et traditions

     Bonjour lecteurs!

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Après deux semaines placées sous le signe du shintoïsme, je vous propose de revenir au cinéma d'animation japonais en nous intéressant à l’un de ses nouveaux grands noms:

     Mamoru Hosoda

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Comme je l'ai évoqué dans mon article sur Your Name (Makoto Shinkai, 2016), en l'absence des maîtres de l'animation nippone que sont Hayao Miyazaki et Isao Takahata, plusieurs jeunes réalisateurs japonais sont venus pointer le bout de leur nez jusqu'à nos écrans français pour leur voler la vedette. Et parmi eux, Mamoru Hosoda se démarque très certainement. Il a été découvert chez nous en 2012 avec Les Enfants loups, Ame et Yuki qui arrivait peu de temps avant Le Vent se lève (Hayao Miyazaki, 2013). De telle sorte que l'on se préparait déjà à trouver de nouveaux noms à suivre en l'absence prochaine des studios Ghibli. Le film a bien su profiter de cette ouverture, et très vite, il a conquis le cœur des spectateurs et des critiques. Il est aujourd'hui encore parmi les films préférés des spectateurs sur Allociné avec une moyenne de 4,5. C'est au-dessus de tous les Miyazaki !

Pourtant, Hosoda ne partait pas gagnant. Recalé chez Ghibli, il devient animateur à la Toei en 1991, pour laquelle il réalise notamment les deux premiers films Digimon ainsi que le sixième de la saga One Piece : Le baron Omatsuri et l'île aux secrets. Vers la fin de cette période, le studio Ghibli vient lui proposer la réalisation du "Château Ambulant". Cependant le projet n'aboutira pas, probablement que celui de Miyazaki était plus convaincant. Mais Hosoda n'a pas dit son dernier mot ! En 2005 il quitte la Toei pour se rapprocher des studios Madhouse (Piano Forest, Paprika, …) avec lesquels il commencera à se faire un nom en sortant en 2006 La Traversée du Temps. Avec eux il réalisera aussi Summer Wars en 2009 et Les Enfants loups, Ame et Yuki en 2012. Dans la foulée du succès de ce dernier film, il quitte Madhouse pour fonder son propre studio d'animation : Studio Chizu. Pour lequel il réalisera Le Garçon et la Bête en 2015.

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     Un Univers déjà bien défini

Plusieurs thèmes récurrents se retrouvent dans la carrière du bonhomme. Comme c'est souvent le cas dans l'animation japonaise, on retrouve quasi-systématiquement (comme chez Miyazaki par exemple) des personnages principaux jeunes et en train de devenir adultes. Hosoda s'intéresse également aux relations familiales qui se nouent autour de ces personnages et avec eux. Dans Summer Wars c'est la famille dans son ensemble qui l'intéresse, avec cette nécessité pour elle de s'unifier pour faire face au virus malfaisant qui s'attaque au monde virtuel d'Oz (réseau social alter-ego de notre Facebook et tout aussi dangereusement lié à la réalité). Tandis que dans ses deux films suivants, ce sont des problèmes auxquels il doit lui-même faire face dans sa vie qui l'intéressent : la peur liée à sa prochaine paternité dans Les Enfants loups, Ame et Yuki, avec cette mère qui n'est jamais sûre de bien s'occuper de ses enfants ; puis la relation père/fils dans Le Garçon et la Bête, qui se retrouve étudiée de deux manières différentes avec le personnage de l'enfant et ses deux pères : celui du monde des bêtes et celui du monde réel.

La famille dans Les Enfants loups, Ame et Yuki. - Ren et son père adoptif, Kumatetsu, dans Le Garçon et la Bête.

     L'opposition entre tradition et modernité

Comme la quasi intégralité des auteurs japonais depuis le milieu du vingtième siècle, Mamoru Hosoda se questionne lui aussi sur ce sujet. Chez lui, la question est même très souvent au centre même du récit. Il s'agit de regarder ses trois derniers films : dans chacun d'entre eux la dichotomie est clairement et directement représentée.

Les jaquettes de Summer Wars.

Sans aller trop loin dans l'analyse, dans Summer Wars, la jaquette même du DVD est réversible : d'un côté les personnages de la famille ultra traditionnelle dirigée par la sage grand-mère matriarche, dans le monde réel, et de l'autre leurs avatars dans le monde virtuel d'Oz. Ici la différence est d'autant plus marquée que les animations utilisées sont différentes pour chaque monde : dessin traditionnel pour le réel et traits plus épurés et lisses pour le virtuel. Dans Le Garçon et la Bête ces deux facettes du Japon moderne sont représentées d'une manière assez similaire, on a d'une part Tokyo et son quartier de Shibuya hyper moderne, et de l'autre Jutengai, la ville des bêtes, à l'architecture et aux activités nettement plus traditionelles, malgré quelques écrans modernes. Les plus observateurs parmi vous auront peut-être apprécié la ressemblance appuyée entre l'entrée de Ren dans Jutengai et celle de Chihiro dans la ville des esprits, notamment au travers des étalages de nourriture présents dans les deux cas. Coïncidence ? Je ne crois pas. Dans ces deux films, Hosoda montre bien que les deux mondes sont liés même s’ils sont différents : c'est dit explicitement à la fin du film de 2015 et on constate pendant tout Summer Wars que ce qui se passe dans le monde virtuel a un impact sur le monde réel. Finalement on nous montre que les deux Japons existent ensemble, cohabitent, et sont mutuellement indispensables l'un à l'autre. C'est au final dans leur travail commun que les nœuds narratifs trouveront leur résolution.

A gauche Shibuya du Garçon et la Bête, et à droite Jutengai.

Enfin, dans Les Enfants loups, Ame et Yuki, les représentations sont un peu plus originales mais pas moins intéressantes. Selon moi, les deux enfants représentent chacun une facette différente du Japon : Ame, le garçon, en choisissant de garder sa forme animale (ce qui le rapproche des kamis) et en allant vivre proche de la nature, représente le Japon tourné vers les traditions et ses origines ; Yuki quant à elle, représente le Japon moderne soucieux d'avancer vers l'avenir en se sociabilisant avec les autres pays de la même manière que la jeune fille noue des relations avec ses camarades de l'école, elle choisit d'ailleurs de garder sa forme humaine. A moitié loups et à moitié humains, à l’image du Japon d'aujourd'hui, les enfants ne savent pas quelle part d'eux-mêmes choisir. Cependant, ce qu'il faut saisir c'est que leur unité ne se situe pas uniquement dans l'un ou dans l'autre mais bien dans ces deux parts qui se complètent. De même que le Japon possède simultanément ces deux facettes.

Ame en protecteur de la forêt à la fin du film.

     Une nouvelle tête

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Ça fait quand même plaisir de trouver des films qui sortent d'ailleurs que des studios Ghibli, surtout lorsqu'ils sont aussi bons ! Dans ses réalisations, Mamoru Hosoda dépeint à merveille les relations humaines, amicales comme familiales. Tout ça sur fond d'un Japon tiraillé entre désir de modernité et perte des traditions que nous commençons à bien connaître. Sur ce sujet, l'auteur apporte sa vision des choses qui paraît plutôt novatrice puisqu'elle appuie sur l'idée que les traditions et la modernité ne doivent pas être opposées mais liées. De telle sorte que ces deux éléments seraient deux facettes complémentaires d'un même Japon.

Comme je le dis d'habitude, les analyses que je propose ici sont peu approfondies mais restent cependant une bonne introduction pour mieux comprendre le travail de cet auteur. Évidemment je vous conseille absolument toute sa filmographie qui regorge de pépites d'animation !

J'espère que la lecture a été agréable et je vous dis à la semaine prochaine pour un nouvel article Japon, et tchao !

Simon MORGAN


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