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Les yureis, fantômes horrifiques du Japon

     Bonjour lecteurs !

Aujourd'hui, coupez votre musique et tirez vos rideaux car nous allons parler fantômes !

Vous n'êtes certainement pas sans savoir qu'au Japon, les fantômes, divinités et autres esprits foisonnent. On en trouve au cœur des forêts, cachés dans des objets, voire même dans des établissements de bains spécialisés, si on en croit Miyazaki et son Voyage de Chihiro !

Mon prédécesseur, Marc, a déjà abordé le sujet avec un article tout à fait passionnant dans lequel il s'intéresse à une grande partie de ces esprits, les yokaïs. Je me propose de prendre le relais en m'intéressant ici à une autre catégorie de fantômes, les yureis.

     Définition et bref historique

© japino.net

Au Japon, c'est généralement le clergé bouddhique qui s'occupe de tout ce qui touche à la mort, notamment du bon déroulement des rites destinés à aider l'âme du défunt à retourner dans le cycle des réincarnations. Cependant, un esprit ne peut quitter tranquillement le plan matériel que s’il est apaisé, et c'est là que le yurei apparaît. Un yurei, c'est une âme qui n'a pas pu partir à cause d'un déséquilibre ou d’un manque moral ou physique. Les raisons peuvent être diverses : mauvais accomplissement des rites religieux, désir de vengeance, action morale non accomplie avant le décès, etc.

Les japonais portent traditionnellement à la mort un respect très particulier, en raison de leur croyance, en la réalité physique de ces fantômes. Là-bas, on part du postulat de l'existence de l'âme et des fantômes et on cherche directement à connaître la raison de l'apparition du yurei, de manière à pouvoir l'aider à s'apaiser et à repartir.

Les yureis japonais sont assez différents de nos fantômes traditionnels. Ils sont en effet matériels, de telle sorte qu'il est tout à fait possible de les toucher voire de les confondre avec les vivants ! Dans l'une des nouvelles du recueil Contes de Pluie et de Lune (Ueda Akinari, 1776), ''La Maison dans les Roseaux'', un homme qui retrouve enfin sa femme après plusieurs années de guerre réalise au matin qu'il a passé la nuit avec un yurei. Même pour un lundi matin, c'est dur. Sa femme était morte entre temps mais avait simplement besoin de le revoir pour résoudre son équilibre intérieur et quitter ce plan.

     ''Ne pas oublier, Ne jamais pardonner''

© filmsactu.net

Comme tout le monde peut devenir un yurei après sa mort, vous et moi compris, on peut imaginer que leurs représentations soient plutôt variées. Pourtant, une représentation en particulier, qui s'est popularisée pendant le XVIIIe siècle, reparaît régulièrement sur les écrans japonais. Sa description devrait vous rappeler quelque chose : une femme en quête de vengeance, avec de longs cheveux noirs qui lui tombent sur le visage, un habit blanc et une conversation assez limitée ? Oui, c'est exactement (à un bruit de gorge près) la description de la charmante jeune femme du Ju-On, The Grudge (Takashi Shimizu, 2002). Pour ceux qui ne connaissent pas (déjà c'est mal, allez le voir tout de suite), c'est l'histoire d'une femme, Kayako, et de son fils Toshio qui ont connu une mort assez cruelle et injuste dans une maison qu'ils hantent depuis, frappant d'une malédiction quiconque poserait un pied à l'intérieur.

Ce type de yurei comme femme vengeresse se retrouve dans beaucoup de films d'horreur japonais tout aussi bons. Personnellement, je vous conseille Ring de Hideo Nakata sorti en 1998, qui reste un classique du genre.

     Des fantômes qui s'adaptent au Japon contemporain

© allocine.fr

Dans un Japon de plus en plus occidentalisé qui en vient presque à laisser ses traditions dans l'oubli, certains réalisateurs comme Kiyoshi Kurosawa réinterprètent la figure du yurei pour rappeler aux japonais l'importance du respect de la mort qui était fondamentale dans le Japon féodal. Parlons par exemple de son film, Kaïro (2000). Ici, l'oubli des morts crée un déséquilibre généralisé qui entraîne l'apparition d'un grand nombre de fantômes. Tous ces yureis répètent alors inlassablement la même phrase : ''A l'aide, la mort est un isolement éternel''. L'isolement ressenti par les fantômes renvoie à celui dans lequel s'enferment les personnages au travers de l'informatique et des réseaux sociaux, par le biais desquels ils cherchent paradoxalement à se lier les uns aux autres. Ainsi le film questionne aussi les conséquences des avancées fulgurantes des nouvelles technologies.

     Appropriation des yureis dans la pop culture, Pokémon !

© fredzone.org
© pokepedia.fr

Comme les yokaïs, les yureis sont encore aujourd'hui des figures importantes de la culture japonaise et de l'art japonais. On les retrouve dans la littérature, les estampes, le cinéma, mais aussi, et c'est l'exemple que l'on va aborder pour finir, dans les jeux vidéo. Y compris parmi les plus ''commerciaux'', car c'est bien de Pokémon dont on va parler ici ! Vous ne me croyez pas ? Vous avez certainement tous joué à Pokémon Version Rouge, Bleu ou Jaune, les jeux originaux sortis dans nos contrées en 1999. Dans l'épisode la Tour de Lavanville, on rencontre le fantôme d'une maman Ossatueur qui a été tuée par les méchants de la team Rocket et dont le bébé Osselait se retrouve alors seul. Même si il ne s'agit pas d'un fantôme humain, la description de cette mère Ossatueur correspond parfaitement à celle d'un yurei : elle serait revenue à cause du manque créé par le devoir moral de protéger son enfant.

En plus de ça (et cela fait un lien génialement subtil avec le sujet de mon prochain article), cet événement marque la naissance du fantasme chez les fans de voir un jour un Ossatueur de type spectre ! Sûrement à cause de la frustration de ne pas pouvoir capturer celui-ci.

     Des yureis remis au goût du jour

© wikia.net

Au départ, simples figures folkloriques servant à alimenter les contes et les pièces de théâtre, les yureis ont fait l'objet d'une réappropriation dans la culture japonaise contemporaine. On les retrouve dans des places qui leur vont à merveille comme dans le cinéma d'horreur, ou encore dans des licences comme Pokémon qui leur permettent de voyager facilement et massivement à travers les imaginaires du monde entier. A côté de ça, au Japon, leur présence sur les écrans permet de raviver les traditions en remettant en avant, par la figure du yurei, le respect des morts qui commençait à se faire oublier. Et c'est là, le thème principal abordé par Kiyoshi Kurosawa dans Kaïro notamment.

J'espère que la lecture de cet article vous aura plu et intéressé. N'hésitez pas à aller voir les films pour creuser un peu le sujet et je vous dis à la semaine prochaine pour un nouvel article Japon !

Simon MORGAN


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