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The Young Pope: la nouvelle foi du Vatican s’appelle doute

Après l’écrivain désillusionné (Californication), le président sans scrupules (House of cards), c’est au tour d’une autre grande figure de la culture populaire de recevoir une leçon de réalité: place à un Saint Père en plein doute. Fable créée par le très bon réalisateur de La Grande Bellezza et du récent Youth, Paolo Sorrentino, The Young Pope trace le destin d’un jeune pape en soutane incarné sous les traits d’un Jude Law capillairement présent. 

 

Quand nous chanterons le temps des séries

Terminé le temps des séries qui révélait les acteurs (Hugues Laurie dans Docteur House, George Clooney dans Urgence ou Brian Cranston dans Malcolm) au grand public. Maintenant, ce sont les réalisateurs qui canonisent les séries. Si ce changement de casquette a déjà été effectué par des réalisateurs comme Alfred Hitchcock, David Lynch ou Quentin Tarantino, ces dernières années marquent un nouvel engouement des cinéastes pour la petite lucarne. Il faut dire que le format a de quoi séduire: une dizaine d’épisodes pour capter l’attention des spectateurs, développer une histoire plus complexe et montrer la lente évolution des personnages. On se souviendra de l’ascension, puis la chute d’un Walter White en baron de la drogue dans Breaking Bad. Après les deux premiers épisodes de Vinyl et Boardwalk Empire réalisés par Martin Scorsese, c’est au tour de cinéastes comme Baz Luhrmann (The Get Down) et David Fincher (House of cards) de faire leur premier pas dans la série télé. Après l'excellente La Grande Bellezza sortie en 2013 et Youth sortie en 2015, c'est à Paolo Sorrentino, réalisateur italien oscarisé, de s'essayer au 8ième art.

Lenny Belardo, encore jeune cardinal, accède par l'entremise d'un collège cardinalice, au Saint-Siège. Ce qui semblait être alors un pantin facilement manipulable pour asseoir un nouveau pouvoir papal, va se révéler bien plus coriace et imprévisble que prévu. C'est le début d'un règne

 

Le saint sacrement de la contradiction

Sorrentino aborde un thème encore faiblement questionné, et pose les bases de sa série sur une question simple: que se passerait-il si la plus haute instance de l'église catholique se mettait à douter de l'existence de Dieu ? Il y a de quoi être songeur. Après un président Etats-Uniens roi de la communication, pourquoi pas le tour d’un pape. Après tout, c’est peut-être ça le secret d’une religion renouvelée: casser les idoles et les madones pour mieux asseoir l’image d’un pape moderne et dans le vent. On frôle le blasphème sans jamais pouvoir l’atteindre. Comme ça. Pour le fun. Mais après tout, pourquoi pas. Ces contradictions ont de quoi séduire.

Tout ça pour dire qu’il y a quelque chose d’étrangement fascinant à suivre une intrigue de pouvoir au sein d’un lieu aussi sacré que le Vatican. On a déjà eu ça avec un Franck Underwood dans les coulisses de la Maison Blanche.

Mais s'il y a une fascination à suivre les jeux de pouvoir, il y en a une plus grande à voir une humanité dans le sacré. Entre un cardinal fan de foot, un pape au franc parlé et à la cigarette au bec et une nonne portant un tee-shirt « I’m virgin but this an old shirt »; il y a quelque chose de rassurant à voir autant de singularités chez des figures aussi sérieuses. Le secret de la série tient dans un court dialogue: « Qui êtes-vous monsieur Belardo ? Je suis une contradiction, comme Dieu ».

 

The Young Pope est un ensemble de contradictions qui, bien qu’opposées, se complètent, se subliment. Pas de grands mots inutiles, juste des mots justes. Depuis La Grande Bellezza, l’opposition est un peu la signature de Sorrentino. La sprezzatura à l’italienne. C’est par sa bande-son hétéroclite que se manifeste aussi surement cette contradiction. Quoi de plus normal que de croiser LMFAO se lavant les pieds dans le bénitier, Jeff Buckley se confessant aux Jefferson Airplane pendant que Schubert entame un énième Ave Maria à l’orgue repris en coeur par Devlin, Melodium et Senza. Insensé. L’exercice est pourtant classique. Coller une musique moderne à un cadre formel, Sofia Coppola le faisait déjà dans son film Marie-Antoinette; faisant bouger la jeune reine sur la musique de Air, insufflant un vent de modernité dans le château de Versailles. C’est au tour de Lenny Belardo d’enfiler la tiare pontificale et de marcher au ralenti au son  d'« I’m sexy and i know it » de LMFAO. Moderne, un brin provoquant non sans rappeler ce passage de Roma du maestro Federico Fellini qui a tant marqué Sorrentino.

Il y a cet autre chose qui rend ce Lenny Belardo si sympathique, si humain et si touchant. De mémoire, je ne compte pas énormément de films ou de séries qui osent parler de doutes, de tourments et de questionnements. Les coulisses n'intéressent personne, et l’époque est à la testostérone et à des films plus tournés vers l'action; mais quoi de plus intéressant qu’un homme, de pouvoir qui plus est, empli de doutes et de tourments. C'est en tout cas un des points qui a fait du Young Pope un des personnages le plus attendrissant du petit écran. 

Amen, et see you soon, Space Cowboy !

Simon RENIER


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