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L'Interview : Notre discussion avec Thérapie Taxi

Ils sont dans toutes vos soirées depuis quelques temps, sur les radios depuis quelques semaines, mais en ce jour de Saint-Valentin 2018, il étaient devant nous. Alors non, je ne vous parle pas des mecs un peu lourds qui vous collent les ballerines, mais d’un truc beaucoup plus cool.

On a discuté croûtes, sens, et Roméo Elvis, avec Thérapie Taxi à la Grande Poste de Bordeaux. Pour vous donner une idée, voici LEur "Hit Sale". Il reviendront d'ailleurs à Bordeaux pour nous gâter d'un concert au Rocher de Palmer, le 5 Avril 2018, alors prenez vos places, ça va être sale.

Entre poésie contemporaine et amour de la musique, voici les jolies choses que Renaud, Adélaïde et Raphaël ont à nous dire.


"Faut accepter les croûtes"

Louis : Comment définissez-vous votre musique, pour ceux qui ne vous connaissent pas encore ? C'est quoi Thérapie Taxi ?

Renaud : C'est de la pop sale, charnue, mais en même temps profonde et...

Adé : Avec un peu de sang et de croûtes dessus.

Renaud : Comme une meuf bonne avec qui t'as envie de passer ta soirée.

Adé : Elle est trop bonne, donc tu lui enlèves le jean, et elle a des croûtes sur les genoux parce qu'elle s'est cassée la gueule tu vois.

Renaud : Mais elle a aussi des choses intéressantes à dire.

Raph : Mouais, je suis pas pas trop d’accord… La métaphore pourquoi pas…

Adé : Mais si, on a dit que tu voulais sortir avec elle pas parce qu'elle est seulement bonne, mais elle a aussi des croûtes parce qu'elle est un peu crade...

 

L : C'est moins vendeur, non ?

Renaud : Ouais mais faut accepter les croûtes. Finalement l'histoire de quelqu'un c'est intéressant, quand la personne veut te l'offrir, faut l'accepter.

Adé : Tu les acceptes parce que tu l'aimes, et tu as compris son propos.

 

L : Dans votre bio, où justement vous décrivez votre musique, vous parlez des « ordis beugués » de Sexy Sushi ?

Raph : J’ai jamais écouté Sexy Sushi…

Adé : Moi j'aime bien Sexy Sushi.

Raph : C'est une bio qui a été écrite pour les Transmusicales, qui datent d’il y a déjà un an et demi, on a pas pris le temps de faire une bio qui nous plaise vraiment.

Adé : J'en ai trouvé une bien sur l'événement GaroSnow :

« Ils fuient l'âge adulte à coup de chansons bordelines tanguant entre rock électro, dérèglement des sens, cruauté lucide ».

Et là vous faites moins les malins.

 

 L : A l'écoute de votre album, on nous parle de toucher, de voir, de danser, de sale... Pourquoi retrouve-t-on le sens du toucher plus que les autres ? Pourquoi ce sens du toucher est omniprésent dans vos chansons ? 

Raph : J'aime bien ça. L'écriture est très imagée, je veux provoquer des sensations, que tu te mettes à la place de ce qu’on est en train de dire. C'est beau ce que tu dis, et tant mieux que tu l'aies ressenti comme ça. C'est les sens en règle générale, et que tu aies envie de toucher, de sentir, il y a des choses qui t'arrivent. C'est dit de manière très poétique en tout cas.

Renaud : On va changer le titre de l'album !

Adé : “Touche mon sale” ou “Touche ma croûte”

Raph : Après t'as des gens comme ça quoi…



L : Est-ce que cet album n'est pas à écouter en rentrant de soirée, en pleine redescente ?

Adé : Certains morceaux ouais je pense. Ca dépend déjà de l'heure qu'il est, s'il fait jour, s'il fait nuit, c'est pas pareil, le moyen de transport que tu utilises aussi. Pour moi le mieux, c’est d’être à pied, et il commence à faire un peu jour.

Renaud : Pour moi, je dirais qu’il commence à faire nuit.

Raph : Ca dépend vraiment des titres, Zarba, c'est vraiment une chanson de redescente. Après il y a des chansons plus dansantes, ambiançantes, comme Crystal [Memphis] ; je sais que la foutre à balle en soirée, je trouve ça marrant, on l'a déjà fait avec nos potes…

 

L : Même Pigalle...

Raph : Je la vois plus en marchant moi, j'aime bien cette chanson-là, on a essayé de faire différents trucs.

Adé : De toute façon, j'vais te dire, le bon moment c'est celui où t'avais envie de l'écouter tu vois ?

Renaud : Ça c'est beau.

 
Thérapie Taxi était à Rock En Seine 2017

 "J'ai envie qu'il n'y ait pas de refrain [...] et je m'en branle"

L : Quelle a été votre chanson favorite à composer, et maintenant quel est votre titre préféré de l’album ?

Raph : Ca m'intéresse d'entendre ce qu'ils ont à dire là-dessus ?

Adé : À composer, je sais pas, il y en a où Alex (notre réal) a été trop fort. Je lui ai envoyé le truc et ça a filé doux. Par exemple Cadence, la version une, c'était exactement ce que je voulais faire. Après, Malboro Red, c'était dur, on a fait plein de versions. C'est parti en disco, et puis on a trouvé ce passage un peu psyché chelou, et j'étais vraiment contente d’arriver à ça. Au final je l'aime beaucoup. Cadence à écouter donc, et à composer, Malboro Red avec Alex, parce que c'était galère, et au final j'aime bien, elle est un peu bizarre dans la structure.

Raph : Ceci dit pour Renaud, c'est un peu particulier, parce qu'il n’écrit pas forcément les chansons, mais il nous a quand même envoyé un truc pour J’en ai marre, qui est très proche de la version de l'album !

Adé : En gros, j'ai envoyé une maquette qui n’était pas du tout comme ça, il y avait le texte, mais avec totalement une autre musique. Il a écouté deux secondes, et il a dit « Nan arrête, envoie-moi que les voix”. Il a recréé toute une musique derrière qui n’avait rien à voir, pas les mêmes accords, et c’était beaucoup trop bien !  

Renaud : Et à écouter, pour moi, PVP. C'est ça qui est marrant, Anti Hit Sale ou PVP, j’étais pas là pour la création, et au final, je réécoute et je me dis que c'est cool d'être dans un groupe et d'être aussi spectateur, c'est aussi excitant. Ca me fait penser à ça parce qu’il y a trois jours, j'écoutais Anti Hit Sale dans le métro, et je me suis dit « Ouah ça fait le mec qui écoute son album ». Mais en même temps, c'est limite le titre de Raph et Alex. C'est ça qui est cool, on a chacun notre truc, et c'est super enrichissant. C'est comme dans un couple.

Raph : Tu peux pas être impliqué de la même manière sur 14 titres, c'est pas possible. On s'est pas tellement investi dans les chansons des autres. Sur certaines chansons, comme Transatlantique ou Cadence, tu vois la maquette et tu sais que t'as rien à apporter. Il y a aussi d'autres chansons, comme Superstar, où j'avais plus envie de mettre ma patte. Certaines chansons sont persos, comme Anti Hit Sale, c'est très personnel pour moi, j'avais une idée très précise de ce que je voulais faire.

Adé : De toute façon, tu vois tout de suite que c'est très personnel. Je lui aurais pas dit « Euh mec ta phrase elle est nulle là ». Quand tu vois que c'est très perso, tu dis “Ok c'est à lui”.

Raph : Sur des chansons plus fun, il y a plus d'ouverture. Après, c'est à toi de dire “Ça c'est ma chanson, est-ce qu'elle vous plait ? Qu'est ce qu'on en fait ? C'est pas vraiment fini…” Ou alors, “C'est ma chanson, et ça reste ma chanson”. Mais c'est super bien de pouvoir fonctionner de manière différente pour chaque morceau, chaque titre a sa propre histoire, son propre vécu, et on est tous assez intelligents pour pouvoir l'accepter.

 

L : Justement, comment vous avez composé Anti Hit Sale ? C’était pour terminer l’album en liant au premier titre ?

Raph : L'histoire est particulière. Hit Sale nous a donné du fil à retordre, notamment à moi. Anti Hit Sale est intervenue à un moment où j'avais le titre [Hit Sale], les accords du refrain, mais on sentait qu'on avait pas exploité à fond le potentiel de la chanson, il y avait des accords mineurs sur le couplet. Notre producteur Olivier est venu, la seule et unique fois, en studio, me dire qu'il y avait encore un truc a travailler. Et j'ai essayé un truc avec Alex, et là, Adé et une autre personne me renvoient à la gueule, très sincèrement et honnêtement, que c'est de la merde quoi. Et là, je pète un plomb. Parce que j'avais passé je sais pas combien de jours, des journées de 10 heures, rien que sur ce titre-là. C'était une obsession, c'est très obsessionnel la musique. Et j'étais avec toute cette obsession, et tout ce truc que j'avais essayé, et c'était la première fois que ça m'arrivait. Je suis arrivé, et j'ai pris tout ça dans la gueule après avoir beaucoup essayé. Des trucs un peu durs, mais qui étaient vrais en fait : c'était qu'une question de paroles. Avoir essayé de faire un truc où finalement je ne savais plus si ça me ressemblait. Donc je suis arrivé, j'ai gratté Anti Hit Sale d'un coup, en disant « J'ai envie qu'il n’y ait pas de refrain, j'y arrive pas, je suis déçu, t'auras l'air con et je m'en branle, j'suis en train d'écrire une chanson pour te dire je m'en fous, et tant pis.” C'est ultra perso, mais je l'ai écrite pour moi. Et tant mieux, j'ai jamais été autant touché des réactions des gens.

Adé : C'est comme si t'allais chez le psy, et il te disait « Mais c'est incroyable ce que tu me dis c'est trop cool, j'vais en faire un livre ».

Raph : Comme si tout d'un coup tu te rendais compte que, d'un truc mauvais, t'en as fait quelque chose d'utile et beau pour les gens. C'est le principe de résilience : c'est un principe psychologique connu, de dire qu’il y a des gens qui vivent des trucs très durs, et qui en font quelque chose de beau. C'est quelque chose de vachement cool la résilience.

 

L : Vous avez fait un feat avec Roméo Elvis sur Hit Sale, est-ce que ça vous a donné envie d'en faire d'autres ?

Raph : On a envie qu'il y ait beaucoup de feats sur le deuxième album, parce que ça ouvre des portes.

Adé : Roméo Elvis nous a ouvert cette idée-là, alors qu'il n’est même pas venu l'enregistrer avec nous, il était trop occupé. Mais j'imagine que si tu te fais une vraie session studio, ça doit être archi intéressant, tu vois comment l'autre travaille et tout... On l'a rencontré plusieurs fois après. Mais ça doit être chouette d'aller plus loin dans le truc, de bosser ensemble, réfléchir plus au truc.

 

L : Il y a peut-être des chansons écrites en pensant directement à quelqu'un ?

Raph : J'ai écrit Hit Sale en pensant à Roméo, dans le processus d'écriture ça pousse à aller chercher des trucs qui nous ressemble pas. L'idée si on fait d'autres feats, c'est de faire des trucs qu'on a pas fait. Tout le monde nous dit « Ah ça serait cool que vous fassiez un feat avec Lomepal ». J'adore artistiquement Lomepal, mais ça n'a pas d'intérêt pour nous tu vois, on a déjà fait un truc avec Roméo, faut aller chercher des trucs qui te sortent de ta zone de confort, et c'est là où ça te fait avancer en tant qu'artiste. Chercher des trucs que tu sais pas faire, et te contraindre à les faire, parce que t'as très envie de partager quelque chose avec un artiste que t'aimes. Et c'est exactement ce qu'il s'est passé avec Roméo. Derrière, ça nous a apporté Anti Hit Sale et PVP, qui ont des prods plus hip-hop.  Adé et moi, ça nous a donné envie de faire plus de rap, ça sera plus présent à l'avenir, parce que ça nous a ouvert cette porte, et on s'est dit que c'était chouette de fonctionner comme ça.

Adé : Tu te dis “Ah mais ouais le genre de musique qu'on fait ça peut marcher aussi avec du rap” donc on a essayé, tout mène à de nouvelles choses quoi.

 
Le clip très visuel de leur "Hit Sale"

"On va pas se mentir c'est du pop rap"

L : Vous faites partie d'un sorte de mouvance musicale qui arrive, avec Bagarre, La Femme, Eddy de Pretto, et justement comment vous l'appelleriez ?

Renaud : La nouvelle variété !

Adé : Moi je l'appelle pas, je l'appelle la non-mouvance.

Raph : Je pense qu'elle aura un nom plus tard. Mais on va pas se mentir, c'est du pop rap, et ça va de Roméo Elvis et Lomepal, à Tim Dup et Eddy de Pretto. Nous on doit se situer au milieu.

Adé : En fait c'est de la pop-rap, qui va jusqu'à la chanson. Pour moi, Tim Dup, c'est de la chanson, comme Eddy de Pretto.

 

L : Et vous écoutez ces artistes du pop rap justement ?

Raph : Nous on est super influencés par notre scène actuelle : je me bouffe le vinyl d'Armanet parce que j'adore sa voix, l'image artistique de Fishback j'suis complétement amoureux de cette meuf ; ce qu'a pu faire Lomepal, c'est un des meilleurs albums que j'ai pu écouter dernièrement, Roméo Elvis c'est génial ce qu'il fait, Pépite un peu moins connu, mais je suis allé les voir en concert jeudi à la Maro[quinerie], putain c'était trop bien ! On est tous influencés par la scène qui nous entoure, parce qu’il y a plein de choses bien, de choses différentes.

Adé : Puis on est tous dans la même direction, même si on fait pas dans le même style. Tu croises les gens, tu te dis “Ah il a une super idée !”, alors ça t'en donne une autre. Il y a ça aussi, tout le monde fait tellement de trucs, dès que j'ai une idée, je me dis « Non j'suis sûr que lui l'a déjà fait… ». Mais du coup c'est excitant, faut tout le temps se questionner et chercher des trucs.

 

Alors voilà, que vous dire de plus, qu’y a t’il de plus à rajouter ? Sûrement les remercier encore d’avoir pu les accompagner dans leur digestion (ils venaient tout juste de manger dans cette magnifique salle qu’est la Grande Poste). Et aussi qu'il faut aller les voir, en tournée pour leur très bon album, "Hit Sale".

De mon côté, je repars étudier la résilience de Boris Cyrulnik, et essayer d’aligner les accords de Hit Sale.

Louis BONNIN


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